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The wind, love and other disappointments
Stephen Felton
17 février 2015
Sérieusement désinvolte, radicalement détendue,
15 CHF (13 EUR)
+ expédition SUISSE 2 Europe 3 Monde 5 CHF
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difficilement spontanée, facilement complexe : de prime
abord, la peinture de Stephen Felton déconcerte par les
épithètes paradoxaux qu’elle suscite. Un dessin réalisé à
main levée, d’une couleur, habite l’espace d’une toile de
grand format. Une simplicité du signe et de son exécution
qui tient tout autant du schéma enfantin, de la peinture
pariétale que d’une sorte de pictogramme ramolli, ne
sachant départager entre symbole et icône, figuration et
abstraction, tout à la fois aube et agonie du signifiant.

Flèches, escaliers, échelles, étoiles, parce qu’ils
demeurent rétifs aux classifications habituelles de
la représentation, sont les motifs privilégiés de cette
iconographie de l’économe. Au-delà de leur efficacité
sémantique, ils manifestent surtout la vitesse d’un geste.
Détachée de toute autorité virtuose, à la portée de tous,
la peinture de S. Felton exprime un certain flegme, un
irrespect tranquille de ce que l’on pourrait concevoir
du métier de peintre et de ses différentes écoles. Une
recherche méticuleuse, patiente, de la sobriété et du
fragment qui s’exprimerait outrageusement dans la
langue expéditive de la figuration libre.

Il ne faudrait pas pour autant voir là un jeu post-moderne
qui aplatirait ironiquement les références. Il y a en effet
chez S. Felton une certaine croyance dans le processus
de la peinture plutôt que dans son achèvement. Comme
l’écrit la critique Jill Gasparina : « Assembler en un
certain ordre des couleurs sur la surface plane d’une toile
apprêtée (…) n’est pas un moyen d’obtenir un artefact
prêt à décorer un intérieur ou à occuper l’espace encore
libre d’un centre d’art, mais c’est une activité totale, et qui
organise la vie toute entière. » Peindre s’entend d’abord
ici comme une activité banale, au même niveau que celles
qui rythment le quotidien de l’artiste, soumis à l’arbitraire
de son humeur, du temps, des personnes qu’il croise, de
ses lectures.

Le vent, l’amour et autres déceptions présente ainsi une
série inspirée par le roman Scènes de la vie d’un faune
d’Arno Schmidt. Chef-d’oeuvre de la littérature allemande
d’après-guerre, on y suit sur trois chapitres (février
1939, septembre 1939, septembre 1944) Heinrich Düring,
fonctionnaire à la sous-préfecture de Fallingbostel,
observant, écoeuré, l’infiltration de la bêtise nazie dans
les consciences – jusque dans sa propre famille, chez sa
femme et son fils.

Il va trouver refuge dans l’étude acharnée des archives
d’un village. Il y apprendra l’existence d’un déserteur
napoléonien semant autrefois la terreur et ira jusqu’à
retrouver sa cachette, une cabane au beau milieu de
la forêt. Le narrateur fera de cet abri de fortune ayant
échappé aux relevés des topographes le lieu d’une
retraite, d’un écart au monde, qui lui permettra finalement
d’échapper aux bombardements alliés avec son amante.
Günter Grass disait ainsi de Schmidt : « Je ne connais pas
un écrivain ayant à ce point écouté la pluie, si souvent
contredit le vent et mêlé aux nuages des noms de famille
si littéraires. » Le roman associe un cynisme érudit et
lapidaire à de grands élans exaltés sur la lande, la lune,
le vent. Formellement, il se construit en une succession
de petits paragraphes distribuant néologismes, jeux de
ponctuation, onomatopées substantivées, références
codées, coulant comme une « cascade narrative » de
souvenirs, de visions furtives, agencés à la manière dont
« un spasmophile peut voir un orage la nuit. »

On conçoit que cette façon de travailler une écriture selon
« les lignes de mouvements et le tempo des personnages
dans l’espace », où tout n’est que fragments et vitesse,
ait pu résonner de manière particulière chez S. Felton. En
s’emparant de ce livre sibyllin, auquel il n’a eu accès que
par la traduction anglaise, le peintre propose à son tour
une série de formes qui n’illustrent pas nécessairement
tel ou tel passage mais viennent plutôt cristalliser un
souvenir de lecture, les rêveries qui l’ont accompagné, la
fertilité onirique d’une expérience littéraire.

Paul Bernard

Conservateur au Mamco
Stephen Felton
The Wind, Love and other Disappointments
Publication réalisée


Une chronique de Jean-Paul Gavard Perret sur "The Wind, Love and other disappointments" ↗
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